J’ai atterri à Casablanca le 3 avril 2024. Ce que j’ai découvert était pire que tout ce que j’aurais pu imaginer.
Soufiane Elkabous m’attendait à l’aéroport, ce qui était inhabituel. En quittant l’aéroport, j’ai remarqué que nous ne nous dirigions ni vers chez ma cousine ni même vers chez lui, mais vers la maison de mes parents. Quand je lui ai demandé pourquoi, il a répondu qu’il y séjournait temporairement pendant que sa propre maison était en rénovation.
De l’extérieur, la maison avait complètement changé. Une grande pancarte « Fondation MJID » était plantée à l’entrée. Des places de stationnement vides portaient la mention « réservé à la fondation ». Un gardien en uniforme se tenait à l’entrée. J’étais surprise. La fondation avait ses propres bureaux et nous n’avions jamais eu besoin de gardiens à la maison. Pourquoi une fondation présumée à but non lucratif nécessiterait-elle une telle protection ?
C’était écrasant d’entrer dans cette maison sans qu’aucun de mes parents ne soit là pour m’accueillir. La femme d’Elkabous et ses enfants étaient dans le salon, et au début, le bruit était presque un soulagement.
J’ai commencé à remarquer des changements immédiatement. Très peu après, Elkabous est parti et sa femme m’a proposé de me faire « visiter » la maison. J’ai trouvé cela étrange : j’avais grandi dans cette maison. Mais j’ai accepté par politesse. Un mauvais pressentiment commençait à m’envahir.
Certains meubles avaient été déplacés. D’autres avaient disparu. Des pièces avaient été réaménagées. Je commençais à remarquer de plus en plus d’objets manquants. Voyant ma réaction, sa femme m’a assuré que toutes les affaires de mes parents avaient été soigneusement emballées et entreposées en toute sécurité à la fondation. Cela ressemblait de moins en moins à un simple hébergement provisoire pendant la rénovation de leur maison.
Puis vint le pire moment de tous. Nous sommes arrivés à la chambre de ma mère. La chambre que Maman avait quittée ce matin-là d’août 2024 pour sa marche quotidienne, et dont elle ne revint jamais. Non seulement Elkabous avait ignoré ma demande de la laisser exactement comme elle était, mais il avait même abattu des cloisons, modifié l’aménagement et l’avait vidée de tout ce qui appartenait à ma mère.
Comment était-ce possible ? J’ai craqué. Il avait effacé la mémoire de ma mère. J’avais voulu dire au revoir à Maman dans cette chambre. À qui pouvais-je m’adresser ? Mes parents étaient tous deux morts, et celui que je leur avais moi-même demandé de loger et de nourrir était devenu le malfaiteur qui avait volé leurs biens les plus personnels et s’était approprié leur maison, ma maison. Et il avait fait tout cela tout en m’assurant qu’il la « gardait » pour moi. Il n’était pas seulement un malfrat. Il était le Mal personnifié.
Quand je l’ai confronté, il a menti encore et encore, chaque fois avec une version différente. D’abord, il a répété qu’il n’y habitait que temporairement pendant la rénovation de sa propre maison. Ensuite, il a affirmé qu’il y vivait depuis trois mois et avait voulu me le dire, mais ne savait pas comment. Enfin, il a dit qu’il voulait m’acheter la maison et qu’il déciderait le prix.
Le lendemain, c’était encore pire. Bien que la femme de l’escroc m’ait assuré que toutes les affaires de mes parents étaient soigneusement emballées et entreposées à la fondation, il affirma désormais les avoir toutes jetées parce qu’elles étaient, selon lui, « endommagées par l’humidité ». Toutes. Et cela, alors que je lui avais constamment laissé accès à la maison. Imaginez.
Toute une vie de souvenirs et de biens appartenant à mes parents, enlevés, cachés et volés. Meubles, casseroles, assiettes, couverts, vêtements, tableaux, photos, électroménager, parfums, bijoux… tout disparu. L’humidité ? Vraiment ? Pourquoi cet acharnement à effacer mes parents et à me priver de tout ce qui venait d’eux ? Eux qui l’avaient nourri et logé ? C’etait un monstre.
J’ai découvert par la suite que lui et sa famille avaient en fait vécu gratuitement dans la maison de mes parents à mon insu, et sans ma permission, depuis des années. Pendant que le menteur me rassurait qu’il la surveillait. Ils avaient tout changé et même abattu des murs, et pas seulement ceux de la chambre de Maman.
Quand il a compris que je ne le croyais plus, il a changé de tactique et est revenu à son comportement habituel : celui d’un truand. Il a frappé violemment sur la table d’une manière menaçante et a élevé la voix. « Personne ne me prendra cette maison ! » a-t-il crié.
Le masque était tombé. L’escroc était déterminé à voler la maison, sachant parfaitement qu’elle ne lui appartenait pas. Ma mère avait laissé une copie du testament dans le coffre-fort qu’il avait vidé. Il l’avait volé bien sûr, mais elle avait aussi dit à tout le monde, famille et amis, au Maroc, en France et aux États-Unis, que tout ce qu’elle laissait au Maroc serait pour moi. Même ses amies de son club de cartes, venues à ses funérailles, nous avaient rappelé qu’elle préparait la maison pour moi.
« Eh bien, ce n’est pas ta maison », ai-je répondu. « C’est la mienne. »
Ce voyou ingrat et sans honte, se sentant au-dessus des lois, s’est alors mis à crier que lui, et lui seul, déciderait à qui appartiendrait la maison.
Il a ensuite tenté une série de manigances pour me la voler.
La première : les dettes inventées. Pour la première fois, il a prétendu que mes parents lui devaient 700 000 $ et qu’il avait des documents pour le prouver. Il a également affirmé avoir déposé une hypothèque sur la maison pour cette dette, dette dont nous parlerons ci-dessous, en 2019. Pour rappel, 2019 était cinq ans après la mort de mon père et près d’un an après celle de ma mère. Aucun d’eux n’aurait pu signer un quelconque acte de reconnaissance de dette.
Falsifier des documents est normal pour Soufiane Elkabous. Ce qui est plus préoccupant, c’est qu’il ait pu déposer les documents manifestement falsifiés, engageant des personnes décédées depuis des années et faisant référence à des fonds qui n’avaient jamais été transférés. Comment une fraude aussi flagrante avait-elle pu être possible ?
J’ai rétorqué. J’ai dit à Elkabous qu’aucun de mes parents n’avait besoin d’emprunter de l’argent à ce stade de leur vie. Mon père avait des intérêts commerciaux et une retraite après des décennies de service au pays. Quant à ma mère, Sa Majesté le Roi Mohammed VI lui avait accordé une pension généreuse à la suite du décès de Papa, et elle disposait de l’argent issu de la vente des deux terrains qu’il lui avait laissés près de Rabat.
Et compte tenu de ce que Maman craignait et avait partagé avec ma tante, sa sœur, et avec moi à propos de ce truand dans les quelques années précédant sa mort, il aurait été la dernière personne au monde à qui elle se serait adressée si elle en avait eu besoin. Et elle ne l’avait pas fait.
Elkabous est passé à la deuxième manigance. Il a menacé de créer un nouveau testament qui réduirait mon héritage à seulement 33 % de la maison. C’est difficile à suivre, je sais, car cela se passait des années après la mort de ma mère et il parlait de créer un testament en son nom à elle. Alors qu’il perdait son sang-froid devant mon refus de céder, il ne cherchait même plus à cacher qu’il falsifiait les documents au fur et à mesure des besoins.
Son sentiment de pouvoir venait du fait qu’il avait déjà généré et enregistré des faux documents en toute impunité, qu’il pouvait le refaire s’il le voulait, et qu’il voulait que je le sache.
Puis il est passé à la troisième approche, et a déclaré que lui seul déciderait de la part de la maison qu’il me laisserait dans le nouveau testament, et il est parti.
J’ai appris plus tard que la raison pour laquelle lui et son « avocat » m’avaient demandé de dissoudre ASKA plus tôt était que la maison était toujours enregistrée au nom d’ASKA, la société civile que mes parents avaient créée, et qu’ils n’avaient pas réussi à changer cela.
Avant que je ne quitte le Maroc, voyant que je ne céderais pas et conscient que j’avais percé à jour ses manigances, il a proposé un « arrangement ». Il m’a proposé de me verser un tiers de la valeur de la maison en échange de ma signature sur le titre et de mon silence. Il a ajouté qu’il enverrait l’argent aux États-Unis par l’intermédiaire de canaux avec lesquels il travaillait, contournant l’Office des Changes et utilisant un réseau existant de trafiquants d’argent auquel il était affilié. Ce réseau, disait-il, avait une forte présence à Miami, en Floride, et une plus petite à New York.
C’était inacceptable. C’était illégal. C’était loin du montant correct, et cela ne réglait en rien l’ensemble de ses vols. Je refusais d’être payée pour mon silence. Je ne voulais plus qu’il soit dans la maison de mes parents. Il ne la méritait pas. Et je ne traiterais ni avec des trafiquants d’argent, ni avec quiconque lié à lui. J’ai refusé.
Après mon départ du Maroc, il a commencé à dire à qui voulait l’entendre qu’il m’avait acheté la maison. Je trouve ironique qu’il ait ainsi admis implicitement qu’il ne pouvait donc pas posséder la maison sans l’acheter. Ce qu’il nie aujourd’hui. Certains m’ont demandé si c’était vrai, alors je souhaite être claire : je ne lui ai jamais vendu la maison. Il ne me l’a jamais achetée. Il ne paie même pas de loyer. C’est un menteur, un squatteur et un voleur.
Soufiane Elkabous est entré dans la chambre à coucher de ma mère. Le jour même où Maman a été tuée. Avant même qu’elle soit enterrée. Il a fracturé son coffre-fort privé. Il en a volé tout le contenu. Il utilise publiquement un nom qui n’est pas le sien. Il a menti délibérément et sans relâche. Il a falsifié des documents. Il a inventé de fausses dettes. Il a sciemment déposé ses faux dans les registres nationaux, corrompant ainsi l’intégrité même de ces registres. Il s’est installé dans la maison de mes parents sans aucun droit. Il a volé tout ce qu’elle contenait. Tout. Il occupe toujours illégalement ma maison familiale aujourd’hui.
Il reconnaît volontiers la quasi-totalité de ces faits, déjà par ailleurs corroborés par des preuves.
J’espère que le Maroc, en tant qu’État de droit, veillera à ce que les autorités judiciaires compétentes fassent en sorte que ce long récit de violations des lois marocaines conduise à l’ouverture d’une enquête transparente et à la condamnation de ce criminel autoproclamé et de ses complices avec toute la rigueur de la loi.
Le plus tôt sera le mieux.
En effet, ne serait-il pas illusoire de croire que les agissements que j’ai décrits ici aient seulement commencé avec le vol de la maison de mes parents et s’y soient limités ? Que tout cela ne concerne pas, par exemple, le fonctionnement de la fondation ? Ou de ses autres affaires ? Que tout cela n’influence pas la nature même de ces affaires ?
D’après les réactions à ces écrits, il semble que beaucoup savent depuis longtemps ce qu’il est, mais nombre d’entre eux ont été réduits au silence sous la menace. Je ne juge personne pour cela. C’est un truand et un voyou de la pire espèce. Mais la plupart de ceux qui le connaissaient savaient.
Cette semaine encore, quelqu’un qui vit à Casablanca que je connais depuis plus de vingt ans a partagé mon message sur Facebook avec ses clients, puis a promptement effacé son compte complètement et disparu. D’autres m’ont appelé pour m’exprimer leur soutien en privé, tout en s’excusant de leur silence public à cause des pressions et des menaces. D’autres encore m’ont envoyé des messages de soutien via le site pour rester anonymes. J’apprécie leur soutien. Je respecte leur demande d’anonymat. Je comprends.
Mais maintenant, pour qu’un changement advienne, il est temps que les voix du bien s’élèvent plus fort, qu’elles crient plus fort que celles du mal. Et il est temps que justice soit rendue, pleinement et sans compromis. Pour le Maroc et pour nous toutes et tous.
« Time is always right to do what is right! » – (« C’est toujours le bon moment de faire ce qui est juste ») – Rev. Dr. Martin Luther King Jr.
Ce que la plupart ne savent pas encore, c’est que le vol de l’héritage de mes parents ne s’est pas limité à la maison et à ses biens. Les registres nationaux de l’immobilier ne sont pas les seuls que lui et son réseau de complices aient corrompus. Nous en parlerons bientôt.